murmures
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Le patrimoine architectural luxembourgeois
2018
L'approche profondément humaniste de Jeanine Unsen nous invite à aborder trois lieux classés au patrimoine architectural luxembourgeois, à travers des fragments narratifs qui en révèlent le vécu, tel qu'il a été entendu, ressenti et interprété par l'artiste. Derrière les apparences et les façades de la vie en société, des perspectives nouvelles apparaissent dès lors qu'on s'introduit au sein des foyers. Au cours de plusieurs entretiens et visites, les habitants actuels ou les anciens voisins des trois maisons s'ouvrent à la photographe, se souviennent peu à peu et lui confient les histoires qu'ils y ont vécues ou qu'on leur a rapportées. Les murs, puissants protecteurs des apparences, sont des témoins muets qu'il s'agit de faire parler. Avec une grande sensibilité, Jeanine Unsen colle son oreille aux murs et écoute ce qu'ils révèlent sur l'histoire de leurs habitants.
Les images de l'artiste sont suggestives et les atmosphères atemporelles : entre le mobilier historique, les papiers peints aux motifs floraux, la Vierge à l'enfant, et les natures mortes, les époques se confondent en un temps figé. Notre imagination est stimulée par les fenêtres et portes tantôt ouvertes, entrouvertes ou fermées et par les jeux d'ombre et de lumières qui guident le regard.
Les femmes tiennent à chaque fois le premier rôle dans ces lieux et ces récits. Ainsi, le travail de Jeannine Unsen remet-il le féminin au coeur de ce patrimoine – dont l’étymologie nous renvoie à l’héritage du pater. Dans Simone and the sheep, à Weicherdange, nous partons à la rencontre de Madame Bourg, discrète épouse de l’écrivain luxembourgeois Tony Bourg avec lequel elle fut déportée pendant la Deuxième Guerre mondiale avant de se retirer dans leur maison de Weicherdange où elle mena une vie paisible, dans le respect profond de l’homme et de la nature. Dans Holy Diana, dans une grande ferme isolée de Cruchten, nous faisons connaissance avec une domestique, dont les fenêtres avaient été pourvues de barreaux pour empêcher les visiteurs masculins d’y pénétrer... Pour finir, Gretel & Gretel se réfère au rapport très proche entre une bourgeoise et sa bonne, si proche que la résidence secondaire de la première dans le village de Saeul avait été léguée à cette dernière à sa mort.
La sélection soigneuse de plusieurs images clefs pour chaque maison crée un rythme de narration habile et fait naître le dialogue silencieux révélant l’esprit des lieux. Dans les mises en scène subtiles de Jeannine Unsen, la fiction et la réalité se confondent. Impassibles, les personnages captés semblent attendre nos réponses. En approfondissant ainsi l’histoire du patrimoine architectural, dans son coeur et son foyer, Jeannine Unsen touche à des mécanismes sociaux particulièrement délicats, qui chacun leur manière racontent une certaine histoire luxembourgeoise.
Texte: Fanny Weinquin
Jeannine Unsen tient à remercier :
Els Lommel, Rudi Rippinger, Nicole Kreins, Mireille Petitgenêt et Raphael Harf pour les portes ouvertes en confiance, le partage d’histoires de vies fascinantes (et parfois croustillantes), et les cafés bien sûr.
Lara Walker pour d’innombrables heures de recherche pour trouver le costume parfait toujours accompagné d’un sourire patient et du meilleur cake aux courgettes.
Fanny Bintz, Leila Schaus, Julie Barthélemy et Colleen Blake d’avoir joué le jeu d’immerger dans le vécu des lieux et de le retranscrire avec beaucoup de sensibilité.
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Lieu Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster Organisateur Service des sites et monuments nationaux
Soutien Ministère de la Culture, Année européenne du patrimoine culturel 2018
Commissaire d’exposition Fanny Weinquin